Le vendredi 25 mars 2011 au soir, l'un des crimes les plus graves de ces dernières années a eu lieu dans la province de Groningue. Ce soir-là, le magasin turc Perya Impex a été dévalisé à Hoogezand. Deux hommes masqués, tous deux armés, pénètrent dans le magasin à neuf heures moins le quart. L'un des voleurs saute sur le comptoir et demande de l'argent.
Le fils du propriétaire, âgé de 37 ans, crie qu'il n'y a pas d'argent, résiste et est abattu.
Une balle lui transperce l'épaule gauche. Les voleurs s'enfuient - sans butin.
Juste avant qu'ils ne quittent le magasin, un nouveau coup de feu est tiré sur le fils, déjà gravement blessé. Une deuxième balle l'atteint à l'abdomen. Le fils, dont le pronostic vital est engagé, est transporté à l'hôpital.
Les événements ont un impact considérable dans le quartier. Le maire se rend sur place dans la soirée. Ce n'est pas le premier incident violent à Hoogezand. Le maire demande donc des renforts de police. Le lendemain, le journal annonce que les auteurs sont en fuite et qu'il n'y a plus aucune trace d'eux.
Ce qui suit devrait être qualifié de bizarre. Tout d'abord, les semaines passent. Puis, à la mi-mai 2011, la police annonce que l'arrestation de deux hommes a permis de résoudre le cambriolage du night shop turc. Les médias s'emparent de l'affaire. Parfois, la police et nous-mêmes agissons comme si la vie était simple : l'arrestation d'hommes permet de résoudre des crimes. Une telle arrestation n'est bien sûr qu'un début dans un État de droit.
Les hommes arrêtés sont âgés de 19 et 24 ans. Le plus jeune s'appelle Charles, le plus âgé Gianni. Ils nient.
Le procès est prévu pour le 17 novembre 2011. Les soupçons se fondent sur les déclarations des témoins. Et il y a une correspondance ADN qui ne prouve rien mais qui est incriminante.
Charles et Gianni continuent de nier. L'un déclare à propos des déclarations des témoins : "Les gens racontent des conneries". L'autre : "On nous a piégés".
La victime est autorisée à s'adresser aux juges et raconte à quel point elle a peur, à quel point elle a craint pour sa vie, à quel point ses parents âgés ont peur.
On dit aussi que les témoins sont inquiets. Des déclarations sont rétractées, d'autres, par peur des représailles, refusent de témoigner. Un témoin nie être témoin et est poursuivi pour faux témoignage. Un témoin a été convoqué à l'audience, mais ne s'est pas présenté.
C'est un problème. Les juges décident que l'affaire pénale doit être suspendue afin que ce témoin puisse encore être entendu.
Les deux avocats estiment que c'est une bonne chose, à condition que Charles et Gianni soient autorisés à rentrer chez eux pour attendre la suite du procès en toute liberté. Après tout, le retard n'est pas de leur fait. Le ministère public s'oppose à leur libération, mais les juges décident que Charles et Gianni peuvent quitter la prison le même jour. Ils auront été détenus pendant six mois.
Ensuite, le silence s'installe et durera très longtemps. Trois mois passent, huit mois, un an. Deux ans et quelques semaines. Le témoin qui n'a pas encore été entendu habite juste à côté du night shop.
Le 13 décembre 2013 - 26 mois après l'ajournement - l'affaire pénale connaîtra enfin une suite. Par ailleurs, Charles est resté dans la salle d'audience 14 en 2012 dans le cadre d'un vol de rue pour lequel il a été condamné à une peine de prison (nette) de 18 mois. Il a déjà purgé cette peine.
Charles risque huit ans de prison et Gianni, qui n'a pas de casier judiciaire, sept ans, tous deux pour tentative d'homicide et tentative d'extorsion. Les déclarations des témoins fournissent des preuves légales et convaincantes, selon l'accusation. Charles et Gianni ne sont pas présents, mais ils ont l'air d'être liés.
Le fait que cela ait pris autant de temps dérange le procureur. Il l'a dit aux juges. Agaçant pour les suspects, mais certainement aussi pour les victimes. La raison de cette longue durée, selon le procureur, est que l'accusation a été submergée par des enquêtes de grande envergure en 2012 et 2013.
Il y avait trop de monde. Est-ce vraiment vrai ? La police et la justice n'ont pas eu le temps, pendant deux ans, d'enquêter correctement sur l'un des crimes les plus graves de ces dernières années ?
Cette semaine, le tribunal a rendu son verdict. Bien que les preuves recueillies aient été obtenues légalement, elles ne sont pas concluantes. Des scénarios alternatifs sont envisageables, il n'est pas exclu, selon les juges, que d'autres personnes que Charles et Gianni aient commis le vol. L'absence de conviction doit conduire à l'acquittement. Et c'est également le verdict.
Les juges critiquent la qualité de l'enquête policière : il s'est écoulé (trop) de temps entre le vol et l'audition des témoins. Les personnes impliquées ont donc pu concilier leurs déclarations. De plus, les juges ont constaté que la police n'a pas fait de rapport officiel de plusieurs contacts avec des témoins. Les juges : "Ce n'est pas acceptable".
Enfin, il convient de noter que l'accusation n'a pas donné de raison plausible pour expliquer le long délai écoulé depuis l'audience de novembre 2011.
A la fin de l'année 2013, la conclusion doit être que le braquage du 25 mars 2011 de la supérette turque n'a pas été résolu. Le maire de Hoogezand devrait aller voir ailleurs.